Eric Péron est arrivé à Saint-Malo. Après la parade des Ocean Fifty, son trimaran Komilfo a rejoint les bassins de Saint-Malo où il attendra patiemment le départ de sa première Route du Rhum – destination Guadeloupe.
Avant de prendre le large, Éric Péron fait découvrir son univers et ses points de vue sur cet univers fascinant. Son regard sur la Route du Rhum, son enthousiasme à naviguer en multicoque, sa relation avec le large, la peur et l’expérience, l’influence de sa vie personnelle sur la course…
Le mythe de la Route du Rhum
« Comme nombre de marins, ça a toujours été pour moi une course mythique. Il y a beau- coup de souvenirs qui émergent en y pensant : Florence Arthaud, Michel Desjoyeaux et Laurent Bourgnon, ces bateaux fabuleux, impressionnant et les exploits qu’ils ont permis. Je me suis toujours dit que je voulais participer à la Route du Rhum en multicoque. D’ailleurs, si j’avais pu faire uniquement du multicoque, je l’aurais fait ! »
La fascination pour le multicoque
« Ce sont des bateaux fantastiques parce qu’ils sont différents, parce qu’on les remarque tout de suite dès qu’ils arrivent dans un port. Il y a quelque chose de quasiment contre-intuitif : quand on demande à un enfant de dessiner un bateau, il commence par faire une coque et donc un ‘mono’, pas un ‘multi’ ! Ce sont des bateaux qui sont rares et majestueux. En mer, les Ocean Fifty sont très agréables à manier : il y a très peu de chocs. Ils sont légers, aériens et ils fendent l’eau parfaitement. »
Les sources d’inspiration
« Gamin, je n’ai jamais été vraiment fan de quelqu’un, ni d’un skipper en particulier. C’était l’activité en elle-même, la course au large, qui me m’intéressait. Vers 8 ans, je me souviens avoir eu un exemplaire du magazine Régate. Il parlait de voile olympique, de la Coupe de l’America, de records… Je faisais de l’Optimist et ça me passionnait. J’ai dû le lire des milliers de fois ! J’ai aussi gardé un agenda 1991-1992, qui est toujours dans mon salon et dont chaque page était dédié au Vendée Globe. Je crois que cela explique aussi ma passion pour la course au large ! »
Le poids de l’expérience
« Globalement, l’expérience permet de gagner un peu plus en sérénité à chaque sortie en mer et à chaque course. Quel que soit le bateau en course au large, il y a des aspects qui sont immuables : l’appréhension des systèmes météos, l’importance du timing des manœuvres, l’adaptation à la machine… L’expérience se matérialise dans la connaissance fine de l’ensemble des systèmes embarqués et de toutes les pièces qui composent le bateau. En ayant une idée précise de leurs limites, de la façon de les éprouver avec précision, on a le recul nécessaire pour savoir si elles doivent bénéficier ou non d’une attention particulière, pour savoir comment les éprouver et prendre les précautions nécessaires. »
La maîtrise de la peur
« L’expérience permet aussi d’être plus vigilant à bord. Quand on est plus jeune, on peut potentiellement se faire plus peur. Ensuite, ça s’équilibre : nous savons davantage comment réagir en étant dos au mur, grâce à cette faculté à être plus vigilant. »
La vie à terre
« Je suis installé depuis douze ans dans une maison dans le Finistère. Je n’ai pas de vue sur la mer mais sur des champs et j’aime retrouver cette tranquillité. Les baies vitrées donnent sur un jardin où j’aperçois mes moutons. Nous en avons eu jusqu’à quinze. C’est de l’éco-pâturage : ils entretiennent mon terrain même quand je suis en mer. L’idée de partager notre espace, sans utiliser d’énergie pour entretenir du vivant, ça me plaisait. D’une certaine façon, ce sont des animaux de compagnie, on tisse une relation particulière avec eux. Et ils offrent un sacré spectacle dès qu’on regarde le jardin. »